Crise franco-algérienne : Des avoirs de hauts responsables algériens menacés
Face à l’enlisement des relations diplomatiques avec Alger, Paris affine une riposte discrète mais potentiellement détonante : le gel des avoirs détenus en France par plusieurs figures de l’appareil d’État algérien, civils et militaires, en exercice ou à la retraite. Une mesure ciblée, envisagée comme levier de pression en cas de nouvelle escalade, et révélatrice d’un changement de ton dans la stratégie française. Mais ce n’est pas tout. Nous sommes en mesure de confirmer l’information publiée par L’Express, ce 28 mai, à propos de l’éventualité de procéder au gel des avoirs de responsables algériens par les autorités françaises en cas de nouvelle escalade diplomatique. Il s’agit, selon nos sources, d’une vingtaine de dirigeants, civils et militaires, actuellement en exercice, mais aussi d’une trentaine d’anciens hauts responsables, désormais à la retraite. Cette initiative, encore au stade préparatoire, s’inscrit dans le cadre d’une doctrine de fermeté discrète que Paris entend désormais appliquer à l’égard d’Alger.
Par Mohamed Sifaoui
Publié le 29 mai 2025

« On pourrait commencer à parler aussi des intérêts financiers de M. Tebboune et de ses enfants avec la Turquie. »
Depuis l’été 2024, la relation bilatérale traverse une zone de turbulences que ni les gestes symboliques ni les dialogues techniques n’ont permis d’apaiser. L’immigration irrégulière, les reconduites à la frontière, le silence des autorités algériennes sur certains dossiers judiciaires sensibles, mais aussi les opérations d’influence menées par les services algériens sur le sol français nourrissent une défiance croissante entre les deux capitales. Sans oublier les barbouzeries que nous avons déjà évoquées et qui font l’objet d’un examen judiciaire qui permet d’accuser le président algérien lui-même.
Pour le moment, nos sources refusent de donner plus de noms et s’empêchent par ailleurs de laisser fuiter ceux des militaires concernés par cette mesure. « Du moins pour l’instant », c’est ce qu’indique l’une d’elles. Comme s’il y avait une volonté de laisser entrouvert une porte de dialogue sur les questions stratégiques qui concernent les services de renseignement et les armées des deux pays.
À Bercy comme à la Place Beauvau, on évoque aujourd’hui une mesure à la fois ciblée et graduée. Selon nos informations, une liste confidentielle a été établie. Y figurent des noms désormais familiers aux services français : Boualem Boualem, actuel directeur de cabinet d’Abdelmadjid Tebboune ; son prédécesseur Abdelaziz Khellaf ; Kamel Sidi Saïd, le conseiller communication du président algérien ; Salah Goudjil, ex-président du Sénat, retraité depuis peu ; Walid Sadi, l’actuel ministre des Sports ; mais aussi des figures du sérail telles que Cherif Rahmani. Tous ont en commun d’avoir fait transiter une partie substantielle de leur patrimoine (immobilier, comptes bancaires, participations dans des sociétés françaises) par la place parisienne ou la Côte d’Azur. Sans oublier que beaucoup d’entre eux y ont installé leurs familles. Pour le moment, nos sources refusent de donner plus de noms et s’empêchent par ailleurs de laisser fuiter ceux des militaires concernés par cette mesure. « Du moins pour l’instant », c’est ce qu’indique l’une d’elles. Comme s’il y avait une volonté de laisser entrouvert une porte de dialogue sur les questions stratégiques qui concernent les services de renseignement et les armées des deux pays.
Les services spécialisés estiment à 801 le nombre de hauts cadres algériens – en activité ou retraités – détenant, de manière directe ou indirecte, des intérêts financiers en France.
À ce stade, il ne s’agit pas d’une sanction généralisée mais d’un signal politique fort. L’arsenal juridique existe : le droit européen et les dispositions nationales permettent, pour des motifs d’ordre public ou de politique étrangère, de restreindre temporairement l’accès à des avoirs détenus sur le territoire. La loi sur les biens mal acquis qui n’a jamais été actionnée pour les apparatchiks algériens devrait d’ailleurs être sollicitée pour que la France officielle sorte définitivement de cette relation malsaine qu’elle entretient avec la dictature algérienne. Ce gel, à la différence d’une confiscation, se veut réversible et proportionné. Mais il suppose une coordination fine entre les ministères concernés, les services de renseignement, Tracfin, la DG Trésor, et les institutions bancaires.
Cette mesure pourrait être accompagnée d’autres dispositions. Une mission de l’Inspection générale des finances (IGF) est évoquée afin de cartographier les circuits financiers algériens transnationaux, souvent opaques et entretenus par les mécanismes de compensation dans un contexte de non-convertibilité du dinar. L’objectif est clair : comprendre comment une partie des élites algériennes parviennent à transférer et sécuriser des actifs en Europe, tout en contournant les contrôles de change imposés par leur propre système bancaire.
Autre piste envisagée : l’ouverture d’un contentieux sur les dettes hospitalières algériennes, que la France avait jusqu’ici préféré ne pas médiatiser. À cela s’ajoute la possible expulsion de la totalité des agents algériens liés aux services spéciaux opérant sous couverture diplomatique, et la probable déclaration du consul général d’Algérie à Strasbourg comme persona non grata. Ce dernier est dans le viseur de plusieurs services français qui soupçonnent une implication active dans des réseaux de surveillance communautaire et de pression sur certains opposants. En outre, il avait refusé de délivrer le document consulaire qui aurait permis d’expulser un terroriste algérien, Brahim Abdessemed, qui a agi en février dernier, tuant un sexagénaire à Mulhouse.
Jamais des responsables français n’avaient accepté jusque-là d’aborder l’épineux dossier des patrimoines détenues en France par des dignitaires qui, pour beaucoup d’entre eux, ont acquis ces biens de manière malhonnête.
Les chiffres, rarement dévoilés, sont pourtant éloquents. Les services spécialisés estiment à 801 le nombre de hauts cadres algériens – en activité ou retraités – détenant, de manière directe ou indirecte, des intérêts financiers en France. Qu’il s’agisse d’appartements parisiens, de résidences secondaires dans le Sud, de participations dans des sociétés locales ou de comptes discrets logés dans des établissements de province, la relation franco-algérienne se joue aussi, et peut-être surtout, sur ce terrain-là. Comme le murmure un haut responsable de Bercy, « ils ne peuvent pas poursuivre cette politique d’humiliation et d’injures qu’ils mènent contre nous tout en continuant d’entretenir en France un patrimoine qu’on soupçonne fortement qu’il a été mal-acquis ». La déclaration peut provoquer un tremblement de terre à Alger, car jamais des responsables français n’avaient accepté jusque-là d’aborder l’épineux dossier des patrimoines détenues en France par des dignitaires qui, pour beaucoup d’entre eux, ont acquis ces biens de manière malhonnête. Face à la fuite en avant et aux provocations de plusieurs dirigeants algériens, certains cadres en France affirment que cela pourrait aller encore plus loin. Sur quels sujets ? « On pourrait commencer à parler aussi des intérêts financiers de M. Tebboune et de ses enfants avec la Turquie ou peut-être aussi des avoirs détenus par certains responsables algériens dans des banques en Suisse ». Chiche !
Si la diplomatie française ne ferme pas la porte au dialogue, elle trace désormais des lignes rouges. Et dans ce bras de fer discret, la question des avoirs devient une arme.
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