Ahou Daryaei, l’Iranienne soutenue par les relativistes

Ahou Daryaei ressemble à toutes les étudiantes du monde, sauf qu’elle vit en Iran. Elle ressemble officiellement à toutes les Iraniennes, sauf qu’elle se rebelle comme d’autres de ses compatriotes. Elle était anonyme, jusqu’au 2 novembre 2024.

Par Naëm Bestandji

Publié le 5 novembre 2024

Ahou Daryaei, l’Iranienne soutenue par les relativistes

Ce jour-là, elle a une altercation avec les gardiens du temple patriarcal et misogyne de son université. Elle n’aurait pas correctement mis son voile. Le ton monte. Ils en viennent aux mains. Excédée, Ahou Daryaei se déshabille. En signe de protestation, elle sort des lieux et marche en sous-vêtements dans les allées de la fac. Elle est rapidement arrêtée et violemment embarquée dans une voiture. Depuis, nous n’avons plus de nouvelles précises de cette étudiante qui aurait des “problèmes psychologiques”, selon le gouvernement islamiste.

Les relativistes et pro-islamistes sont en dissonance cognitive : soutenir une femme qui refuse le voilement en Iran tout en défendant le sexisme du voilement des femmes musulmanes en France; prétendre lutter contre le régime islamique des mollahs tout en étant des alliés de l’islamisme politique en France.

Après Mahsa Amini en 2022, Ahou Daryaei devient le nouveau symbole de la lutte contre le voilement obligatoire en Iran. Le monde entier a réagi. En France, les réactions sont nombreuses. Si les universalistes la soutiennent avec cohérence, les relativistes et pro-islamistes sont en dissonance cognitive : soutenir une femme qui refuse le voilement en Iran tout en défendant le sexisme du voilement des femmes musulmanes en France; prétendre lutter contre le régime islamique des mollahs tout en étant des alliés de l’islamisme politique en France.

Leur justification, toujours la même, est de mettre au même niveau l’imposition du voile là-bas et l’interdiction du voile ici. Dans les deux cas, ce serait imposer aux femmes une manière de se vêtir. Cette comparaison simpliste et manichéenne joue sur l’émotion pour annihiler toute réflexion. Cela peut se comprendre de la part des islamistes. Ils sont dans leur rôle. C’est incompréhensible de la part de “féministes”. Elles piétinent toutes leurs valeurs au nom de la “tolérance” et de “l’inclusivité” réclamées par une idéologie totalitaire, l’islamisme, qui les rejette en son sein. Elles reprennent alors les éléments de langage de l’islamisme politique : le voile ne serait “qu’un bout de tissu” (les Iraniennes, les Afghanes, les Saoudiennes et toutes les femmes contraintes de se cacher sous un voile pour “protéger les hommes de la tentation” apprécieront), son port en France serait un “libre choix”, etc.

Les relativistes veulent créer une équivalence entre, d’un côté, des femmes qui refusent la sexualisation de leurs corps et luttent pour s’émanciper de l’assignation patriarcale au nom d’une religion (et leur témérité peut être punie d’une peine de prison, voire de torture et de mort) et, d’un autre côté, des femmes qui militent pour la servitude volontaire car elles ont été convaincues que leurs corps (et leurs cheveux) sont des objets sexuels qu’il faut cacher du regard des hommes (elles ne risqueront jamais la prison ni la mort pour cela).

Les relativistes et alliés de l’islamisme mettent sur le même plan les femmes iraniennes qui luttent, et dont certaines sont emprisonnées, pour ne plus avoir à porter le voile; et d’autres qui veulent le porter en Occident où des lois en limitent le port pour des raisons laïques et de sécurité. Faut-il rappeler que le port du voile est obligatoire en Iran dans la totalité de l’espace public ? En France, le port du voile y est parfaitement autorisé, à l’exception du voile intégral. Exprimer ses convictions patriarcales par un vêtement, au nom de la “liberté religieuse”, reste légal. Seuls certains espaces imposent la neutralité à tous, quels que soient nos origines, sexe ou religion, comme à l’école ou pour les fonctionnaires par exemple. Des lois et règlements votés démocratiquement pour protéger la liberté de conscience de chacun. Nous sommes bien loin d’un régime autoritaire. Mais la stratégie victimaire impose une telle comparaison hors sujet, pour susciter chez les Français un sentiment de culpabilité.

Dit autrement, les relativistes veulent créer une équivalence entre, d’un côté, des femmes qui refusent la sexualisation de leurs corps et luttent pour s’émanciper de l’assignation patriarcale au nom d’une religion (et leur témérité peut être punie d’une peine de prison, voire de torture et de mort) et, d’un autre côté, des femmes qui militent pour la servitude volontaire car elles ont été convaincues que leurs corps (et leurs cheveux) sont des objets sexuels qu’il faut cacher du regard des hommes (elles ne risqueront jamais la prison ni la mort pour cela).

Le fait que des femmes luttent pour ne plus le porter devrait déjà interroger les relativistes sur la charge misogyne du voilement. Mais ils préfèrent rester aveugles pour soutenir la liberté d’avoir moins de liberté.

Par leur masque intersectionnel sur les yeux, ces relativistes ne se posent aucune question sur cet accessoire vestimentaire pour lequel on peut envoyer en prison ou tuer une femme parce qu’elle ne le porte pas. Aucun autre accessoire vestimentaire au monde n’est chargé d’une telle misogynie ni d’une telle menace pour une partie de l’humanité. Le fait que des femmes luttent pour ne plus le porter devrait déjà interroger les relativistes sur la charge misogyne du voilement. Mais ils préfèrent rester aveugles pour soutenir la liberté d’avoir moins de liberté.

L’argument du droit de se vêtir comme bon leur semble provient d’un élément de langage frériste utilisé depuis longtemps en Occident (dans les pays musulmans, les islamistes n’en ont pas besoin). Après, bien sûr, avoir laissé le temps nécessaire aux islamistes de convaincre les concernées pour faire le bon “libre choix” du vêtement qu’ils ont créé pour elles. Pour cela, ils ont façonné un concept dont ils ont eux-mêmes dessiné les contours : la “pudeur”. Pour les femmes, ce n’est donc pas l’esthétique, la coquetterie, l’adaptation vestimentaire à l’activité ou l’envie du moment qui devraient motiver le choix de leur vêtement. C’est une raison morale moyenâgeuse choisie par des hommes pour apaiser leur libido. “Libre” ensuite à chacune d’être “pudique” ou pas, avec les conséquences ici-bas et dans l’au-delà. Nous sommes bien dans la volonté de dicter aux femmes comment se vêtir. En désignant le voilement comme de la pudeur, et donc les cheveux visibles comme de l’impudeur, l’injonction vestimentaire brille de mille éclats. Et cela séduit les intersectionnelles…

Ce soutien des intersectionnelles envers cette idéologie montre que leur “féminisme” n’est qu’un prétexte. Leur “féminisme” à géométrie variable cède le passage au “respect” des cultures et de la religion, même les plus sexistes. Voilà, encore, comment contribuer à l’occultation du corps des musulmanes et faciliter ainsi l’avancée islamiste par son cheval de Troie qu’est le voile.

Sandrine Rousseau est une des plus importantes relativistes concernant le sexisme du voilement des femmes. Pourtant, en 2022, elle avait tenu à clamer son soutien à Mahsa Amini lors d’une manifestation place de la République à Paris. Elle s’est fait huée par la foule en raison de sa déclaration, près d’un an auparavant, sur “l’embellissement” par le voilement.

Sandrine Rousseau laisse croire que le port du voile “appartient” aux femmes qui consentent à s’y soumettre, aussi facilement que celles qui se vêtissent sans aucune injonction misogyne et religieuse.

Défendre le sexisme du voilement des femmes favorisera toujours ceux qui veulent l’imposer. Comparer l’Iran à la France, les mettre au même niveau, est le comble du relativisme qui ne sert jamais la liberté des femmes mais toujours leurs bourreaux religieux.

Sandrine Rousseau est l’une des plus importantes relativistes concernant le sexisme du voilement des femmes. Pourtant, en 2022, elle avait tenu à clamer son soutien à Mahsa Amini lors d’une manifestation place de la République à Paris. Elle s’est fait huée par la foule en raison de sa déclaration, près d’un an auparavant, sur “l’embellissement” par le voilement. Cette fois encore, elle affiche sur X un opportuniste soutien à Ahou Daryaei. Et, cette fois encore, elle ne peut s’empêcher de faire preuve de relativisme en mettant au même niveau l’imposition du voile et la lutte pour s’en émanciper : “Notre corps, et tout ce que l’on met -ou pas- pour le vêtir, nous appartient.” Sandrine Rousseau laisse croire que le port du voile “appartient” aux femmes qui consentent à s’y soumettre, aussi facilement que celles qui se vêtissent sans aucune injonction misogyne et religieuse. Une nouvelle fois, elle tente de désincarner le voile de toute sa charge misogyne et patriarcale pour en faire un simple accessoire vestimentaire.

Mais Ahou Daryaei sait ce que signifie le voile. Contrairement à Sandrine Rousseau et consort, elle ne le mettra jamais au même niveau que “la liberté de se dévêtir”, et elle le considérera encore moins comme une forme “d’embellissement”.

Le jour où Sandrine Rousseau et tous les relativistes affirmeront que le voile est l’accessoire vestimentaire le plus misogyne de l’histoire, que sa place est au bout d’un bâton, foulé aux pieds ou brûlé, ils pourront afficher leur soutien. En attendant, leurs déclarations profondément indécentes en faveur des Iraniennes ne sentent que l’hypocrisie et l’opportunisme.

N. B.

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