Attentats du 13 novembre 2015, l’islamisme politique en action
130 morts, 430 blessés : les attentats du 13 novembre 2015 sont les plus meurtriers de l’histoire de France. Après les attentats contre Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher onze mois plus tôt, le pays sous le choc est en deuil. Mais au sein de l’extrême droite musulmane, certains vont exprimer une tonalité différente, une froideur, du cynisme, du sarcasme. La plupart des personnes ne se sentant pas “Charlie” partageaient malgré tout le deuil national. Pas les islamistes.
Par Naëm Bestandji
Publié le 13 novembre 2024
Lors de la manifestation dite "contre l'islamophobie", à Paris, le 10 novembre 2019.
Les jours suivant le 13 novembre, les perquisitions dans les milieux islamistes se sont enchaînées à une vitesse effrénée. 1233 en dix jours, selon le ministère de l’Intérieur, menées dans des logements, des lieux de culte, des restaurants, etc. Des actions insupportables pour les islamistes qui, s’ils se sont peu ou pas exprimés sur les attentats, se répandent en réactions d’indignation suite aux perquisitions.
Ainsi, quelques jours seulement après les attentats, Tariq Ramadan avait déclaré et écrit “Je ne suis ni Charlie ni Paris. Je suis perquisitionnable”, tout comme le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France). Cela est révélateur de leur vision du “vivre ensemble” qu’ils prétendent défendre (pour la vitrine). Cela révèle surtout à quel point ils se sentent peu concernés et émus par les attentats et les victimes.
Indignés par ces perquisitions, des islamistes décident de signer un “message commun” le 30 novembre 2015 : Samy Debah et Marwan Muhammad (au nom du CCIF), Idriss Sihamedi (président de l’association islamiste Baraka City), Fateh Kimouche (pour le blog Al Kanz) et Nabil Ennasri (président du Collectif des musulmans de France).
Al Kanz, le blog islamiste dont l’économie est l’outil prosélyte
Al Kanz est un blog islamiste qui souhaite réguler tous les aspects de la vie quotidienne par le prisme halal/haram. Il fait de l’économie son outil et argument prosélyte pour imposer sa vision salafiste de la norme religieuse à tous les musulmans et aussi contraindre la société à s’adapter à cette norme. Al Kanz perçoit moins l’islam comme une forme de spiritualité que comme un code de conduite binaire où tous les aspects de la vie sont concernés. Il est de ces islamistes qui ne voient pas de problème à la pratique du sport ou d’une activité professionnelle pour les femmes, à la condition qu’elles restent des éternelles mineures et des objets sexuels à dissimuler sous un voile et des vêtements amples. Il pratique un lobbying important sur divers marchés et auprès des marques, arguant du poids économique que représente la “communauté musulmane”.
Idriss Sihamedi, un salafiste fiché S
Idriss Sihamedi s’était rendu célèbre en refusant de serrer la main de Najat Vallaud Belkacem, à l’époque ministre, car elle est une femme. Il était le président de l’association Baraka City, une ONG fondée par des salafistes et surveillée par les services de renseignements. Les locaux de l’association avaient été perquisitionnés à plusieurs reprises entre 2015 et 2017 dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de financement du terrorisme. Idriss Sihamedi est lui-même fiché S. Baraka City sera dissoute par le gouvernement le 20 octobre 2020.
Le CCIF, fleuron de l’extrême droite musulmane
Le CCIF était idéologiquement la branche juridique des Frères Musulmans en France. Il n’hésitait donc pas à s’afficher et à revendiquer le soutien de prédicateurs salafistes et Frères Musulmans antisémites, homophobes et ultra sexistes. Cette association militait pour un islam rétrograde, ultra identitaire et suprémaciste. Pour cela, elle racialisait les musulmans et en faisait des persécutés (y compris les islamistes) car, selon elle, Dieu aurait fait d’eux “la meilleure des communautés”, “les premiers de la classe” sur l’échelle humaine, pour diriger le monde. Sa méthode favorite était donc la victimisation. Le sexisme du voile était bien entendu l’accessoire principal de sa propagande.
Dans la droite ligne de la stratégie politique frériste en France, le CCIF prétendait être antiraciste, défendre les droits humains et combattre “l’islamophobie” (l’offense à l’islam) sous prétexte de lutte contre l’hostilité envers les musulmans. Un de ses moyens était de cliver la société, de créer une fracture identitaire entre les Français Musulmans et le reste de la population.
Déclenchée suite à l’assassinat de Samuel Paty, la dissolution du CCIF a été publiée par décret le 2 décembre 2020 en raison de ses positions et liens extrémistes.
Nabil Ennasri, pur produit des Frères Musulmans
Pur produit des Frères Musulmans, Nabil Ennasri a été formé dans les années 2000 à l’Institut Européen des Sciences Humaines créé par l’UOIF. Cet institut a pour vocation de former des cadres musulmans qui partiront aux quatre coins de France pour diffuser l’idéologie frériste. En 1992, Youssef Al-Qaradawi avait logiquement présidé la première cérémonie de remise de diplômes. Poussé par son admiration envers le théologien, Nabil Ennasri a consacré sa thèse de recherche en sciences politiques à cette personnalité qu’il admire tant.
Répondant au désir prosélyte de l’institut où il a été formé, il est entre autre président du Collectif des Musulmans de France. Il a pour objet la diffusion de l’islam version Frères Musulmans auprès des musulmans français avec “pour axes prioritaires de réflexion et d’action l’éducation, la spiritualité et l’action sociale, citoyenne et politique”.
Il semble faire preuve d’une certaine cohérence avec Al-Qaradawi et l’UOIF lorsqu’il s’exprime sur divers sujets. Dans un texte qu’il a co-signé, il compare, par exemple, l’homosexualité à l’inceste et à la pédophilie. Cela fait partie de sa vision du “vivre ensemble”.
Le “message commun”
Deux semaines après les attentats de novembre 2015, et quatre jours après la première perquisition des locaux de Baraka City, ces quatre représentants de l’islamisme politique en France signent un texte ultra victimaire, publié sur le site du CCIF. Ils déclarent que les perquisitions dans les milieux islamistes seraient “islamophobes”. Elles seraient menées contre des individus et associations “pour le simple fait d’être musulmans”. L’objectif est que chaque musulman s’identifie aux islamistes perquisitionnés. Pour que cette identification soit plus prégnante, les signataires jouent sur l’émotion. Leur message évoque alors “les larmes” et “les cœurs de nos frères et sœurs en foi et en humanité”, “les enfants à consoler”. Nous retrouvons le style larmoyant du CCIF, pour tenter de mettre au même niveau la douleur des victimes des attentats et le ressenti supposé des perquisitionnés.
Enfin, pour enfoncer le clou, les signataires se disent “soucieux de préserver ce qui reste du vivre-ensemble”. Le but de cet élément de langage est typique de la rhétorique d’inversion. Ce ne seraient pas les islamistes qui mettent à mal le vivre-ensemble, mais l’État.
Leur texte est un classique. Depuis les attentats de Toulouse en 2012, l’ensemble des islamistes politiques ont adopté cette rhétorique : condamner les attentats djihadistes en une ou deux phrases, pour la forme, afin de s’en servir de levier pour dérouler toute leur logorrhée victimaire dont le terme “islamophobie” sert de glaive verbal.
Le travail de mémoire est fondamental pour ne pas oublier les victimes de terrorisme. Il est tout aussi fondamental de se souvenir de l’opportunisme politique de l’islamisme, dont les dégâts sociétaux sur le long terme sont colossaux.
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