Naëm Bestandji (essayiste) à Rupture :

“Les islamistes sont bien plus obsédés par le sexe que par la religion”

Naëm Bestandji est essayiste; il est l’auteur d’un livre qui permet de mieux comprendre le sexisme politique du voile, “Le linceul du féminisme – Caresser l’islamisme dans le sens du voile”, paru aux éditions Séramis, en novembre 2021. Il a également signé des articles dans la presse ainsi que sur son site internet, des écrits consacrés à l’islamisme et la défense de la laïcité.

Par Naëm Bestandji

Publié le 27 octobre 2024

“Les islamistes sont bien plus obsédés par le sexe que par la religion”

Rupture : Une nouvelle affaire de voile à l’école est apparue récemment dans l’actualité en France. Pensez-vous que ce soit un acte isolé ou qu’il faut voir dans ce cas, comme dans d’autres, comme l’affaire de l’abaya, des éléments d’une offensive islamiste à l’école ?

Naëm Bestandji : Ces actes se multiplient à l’école depuis 35 ans. De plus, il ne faut pas les décorréler des autres actes mais avoir une vue d’ensemble. Ils se multiplient aussi dans le monde du travail. Souvenons-nous de l’affaire Baby-Loup ou, plus récemment, de la salariée voilée d’une boutique Geox. Il faut ajouter à cela les affaires de voile dans le sport, les offensives burqini dans des piscines municipales, etc.

L’écrasante majorité de ces offensives concerne le corps des musulmanes, “porte-étendard” de l’outil politique de l’islamisme : le voile.

Nous sommes face à une offensive islamiste globale, dont l’école est une cible prioritaire. L’écrasante majorité de ces offensives concerne le corps des musulmanes, “porte-étendard” de l’outil politique de l’islamisme : le voile. Cette offensive n’est pas coordonnée. Elle émane de militantes fanatisées, endoctrinées au sein d’une idéologie qui les pousse à agir ainsi. La crainte de Dieu, de l’enfer et les promesses du paradis, en ajoutant la fierté identitaire du patriarcat islamiste, tout ceci martelé par les prédicateurs, poussent un certain nombre de femmes et de jeunes filles musulmanes à s’accrocher fièrement à leur linceul qu’est le voile. Elles ont intégré l’idée que leur soumission patriarcale serait une forme de supériorité idéologique dont elles seraient les symboles positifs.

Certains clubs sportifs sont mal à l’aise avec l’interdiction du voile. Comment expliquez-vous cette réticence et comment faire obstacle, selon vous, à l’entrisme des islamistes dans ces clubs ?

Cela s’explique par différents éléments. Certains entraîneurs et éducateurs sportifs sont, par exemple, issus d’un milieu où l’islam est fortement présent, souvent dans sa forme extrême. Pour eux, la présence de la religion (de plus, dans sa version radicale) dans leur espace social est naturel. Les valeurs qui l’accompagnent aussi. Les valeurs de la République leur sont étrangères. L’ignorance et le rejet de la laïcité, tout comme l’ignorance et le rejet de l’égalité des sexes, renforcent le phénomène. À travers le sport, ces adultes éducateurs transmettent alors leurs valeurs aux jeunes.

Nous sommes dans un inversement total des valeurs. La stratégie victimaire (des islamistes, NDLR) permet de créer des élans de solidarité de la part de non-musulmans, ce qui amplifie le phénomène.

L’interdiction du sexisme du voile et les obstacles à la propagation de l’intégrisme musulman passent donc de plus en plus mal auprès de certains clubs sportifs. Imbibés de patriarcat et gangrenés par le prosélytisme de l’islamisme, ces clubs veulent être plus “inclusifs” envers le discours islamiste et la diabolisation du corps et des cheveux des sportives. Ils réclament alors à leur fédération un privilège, une dérogation, refusés à toutes les autres demandes politiques et prosélytes. Pourquoi ? En raison du respect de l’endoctrinement, du fanatisme religieux et de la misogynie d’une partie des sportives. Nous sommes dans un inversement total des valeurs. La stratégie victimaire permet de créer des élans de solidarité de la part de non-musulmans, ce qui amplifie le phénomène.
Pour y faire obstacle, les solutions sont multiples : maintenir l’interdiction du voile ; assurer une formation sur la laïcité et les valeurs de la République pour tout adulte qui s’investit dans un club sportif ; assurer également une formation sur l’égalité des sexes (le voile est la négation de cette égalité) ; prendre le temps d’expliquer la laïcité et l’égalité des sexes aux jeunes, etc. Il faut de la cohérence et une uniformisation des discours entre l’école et les clubs sportifs. Toutefois, pour être efficace, des solutions doivent être trouvées en amont des clubs dont les manifestations islamistes ne sont que des symptômes.

Les Iraniennes mènent une sorte de désobéissance à l’obligation du port du voile tandis qu’en France, en Europe, en Occident, dans certains milieux, y compris dans les institutions, y compris au sein des mouvements féministes, il est question de la liberté de porter le hidjab voire d’en faire la promotion. Quelle lecture faites-vous de ce paradoxe ?

Ce paradoxe, justement à l’origine de la publication de mon livre (“Le linceul du féminisme-Caresser l’islamisme dans le sens du voile”, éditions Séramis), s’explique par plusieurs éléments.

Il y a une ignorance abyssale de ce qu’est le voile dit “islamique”. Les islamistes jouent sur cette ignorance pour présenter le voile comme une simple expression religieuse inoffensive.

D’abord, il y a une ignorance abyssale de ce qu’est le voile dit “islamique”. Les islamistes jouent sur cette ignorance pour présenter le voile comme une simple expression religieuse inoffensive. Les Frères musulmans, et celles et ceux qui adhèrent à cette idéologie, savent comment séduire des défenseurs des droits humains, y compris des féministes. Ils usent de ce que j’ai nommé la rhétorique d’inversion : ils récupèrent nos valeurs et tout ce qui nous fait sens pour les redéfinir et les retourner contre la société. Ils se présentent alors comme plus laïques que les défenseurs de la laïcité, aussi féministes que le MLF, etc. Selon moi, leur plus incroyable tour de force est d’avoir réussi à obtenir le soutien d’une partie de leurs plus farouches adversaires : des féministes. Pour y parvenir, la stratégie victimaire est centrale.
En résumé, le voile est l’outil matériel de la propagande islamiste. La stratégie victimaire (notamment par le terme “islamophobie” et la rhétorique d’inversion) est la sève de cette propagande.

Pourquoi les islamistes sont-ils si obsédés par le corps de la femme et pourquoi s’attaquent-ils de manière systématique à l’élément féminin de la société ?

Les islamistes sont bien plus obsédés par le sexe que par la religion. Partagés entre la crainte de la tentation et le désir d’assouvir leurs pulsions, ils pensent au sexe du matin au soir, tous les jours de leur vie. Ils ne voient la femme que comme un objet de désir, un corps naturellement coupable des désordres dans la société. L’islam n’est qu’un moyen pour organiser cette société sur un modèle patriarcal, mettre en place un apartheid sexuel et ainsi tempérer leur libido.
Cette obsession sexuelle et leur misogynie sont si énormes qu’ils en ont fait leur principal élément identitaire, pour se différencier de “l’Occident” décadent à leurs yeux. Le voile est central dans cette artificielle identité. Celles qui le portent sont donc un enjeu fondamental pour eux.

Quelles sont, d’après-vous, les causes de l’obscurantisme que connaît actuellement la religion musulmane ?

Le monde “occidental” a connu le Moyen-Âge puis les Lumières. Le monde musulman a d’abord connu les Lumières et vit aujourd’hui son Moyen-Âge.

La radicalisation ne s’est pas produite pour des raisons spirituelles mais identitaires et politiques. Aujourd’hui, la théologie islamique est dominée par les radicaux.

L’obscurantisme actuel est le résultat de nombreux facteurs. L’un des plus importants est la période charnière du début du 20e siècle. La chute du Califat ottoman a laissé un vide et une amertume auprès des plus conservateurs. L’époque coloniale était aussi un ferment pour l’identitarisme islamiste. Accusés par les islamistes de vouloir plaire aux colons et de s’occidentaliser, les musulmans progressistes ont alors été pointés du doigt et progressivement marginalisés. La radicalisation ne s’est pas produite pour des raisons spirituelles mais identitaires et politiques. Aujourd’hui, la théologie islamique est dominée par les radicaux. Toute réforme de l’islam est pour l’instant impossible.

K. M.

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