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Véronique Perrault, passeuse de lumière

Il est des voix qui ne traversent pas l’air, mais le sculptent. Des présences qui ne remplissent pas l’espace, mais le transfigurent. Véronique Perrault est de celles-là. Elle ne joue pas : elle transmute. Elle ne filme pas : elle recueille. Elle ne parle pas : elle révèle.

Par Kamel Bencheikh

Publié le 11 juin 2025

Véronique Perrault, passeuse de lumière

Le cinéma lui a prêté ses reflets, mais elle lui a rendu la profondeur.

Comédienne aux contours d’icône et au regard qui perce les pellicules du visible, elle ne se contente pas d’exister dans le cadre : elle le fait vibrer. Elle a traversé le cinéma comme on traverse un songe d’encre et de feu – en y laissant une empreinte douce et indélébile. Pas une carrière : une traversée. Pas une ambition : une vocation.

Le cinéma lui a prêté ses reflets, mais elle lui a rendu la profondeur. On l’a vue incarner, murmurer, frémir. Et pourtant, rien ne saurait contenir Véronique Perrault dans une forme unique. Elle est de celles qui refusent les cages, même dorées. De celles qui, au lieu de grimper les échelons d’un monde figé, ouvrent des sentiers dans la forêt des possibles.

Elle a pris la caméra comme on saisit une plume trempée dans le réel : pour écrire autrement le monde. Son premier geste documentaire fut une offrande rare – un film sur le lien entre l’homme et le cheval, mais surtout, sur la part sauvage et sacrée qui survit en nous. Ce n’était pas un sujet : c’était une prière muette, une chorégraphie d’âmes sur fond de silence respiré.

Puis elle a ouvert une fenêtre. Sa chaîne YouTube – Les Productions Véronique de Perrault – est un observatoire des âmes. Un refuge pour les voix déviantes, les âmes éveillées, les esprits qui ne rentrent dans aucune case. Elle y écoute l’indicible, capte la lumière là où d’autres ne voient que l’ombre.

Vincent Hamain, pèlerin d’un autre plan de conscience. Louis Fouché, insoumis serein, médecin du doute. Alexander Boldachev, harpiste aux doigts d’archange. Vincent Munier, dompteur de silence et guetteur de neiges intérieures. Tous deviennent, devant son objectif, plus que des visages : des révélations.

Et puis il y eut les enfants. Chloé, Sacha, Marion, Léon. Quatre lucioles dans la nuit du monde. Elle ne les interroge pas, elle les accueille. À hauteur d’enfance. À hauteur de vérité. Elle fait ce que peu osent encore : elle écoute sans projeter, elle capte sans voler. Elle laisse la lumière venir d’eux, patiemment, comme on attend l’aube au sommet d’une montagne.

Aujourd’hui, elle rêve d’un film. Un vrai. Un grand. Un de ces films qui ne se contentent pas d’être projetés, mais qui s’impriment dans les cœurs comme une trace ancienne. Une fresque d’amour, non pas ornementale ou convenue, mais organiquement humaine, rugueuse parfois, tendre toujours. L’amour qu’elle veut mettre en scène ne connaît pas le mensonge du vernis. C’est un amour qui se cherche et qui saigne. Un amour réel. Un amour vécu.

Elle le porte en elle comme on porte un enfant de lumière, avec la gravité des créateurs et la joie des rêveurs. Ce scénario n’est pas une fiction. C’est un fleuve intérieur qui cherche son lit. Un chant muet qui attend son orchestre. Et pour l’écrire, elle veut un allié de mots, un magicien de la langue capable de danser sur le fil de l’émotion sans tomber dans la mièvrerie.

Elle sait que raconter l’amour, le vrai, exige d’avoir traversé la perte, l’absence, le silence. Elle sait que l’amour ne se filme pas avec des clichés, mais avec des silences pleins, des regards suspendus, des gestes minuscules qui disent l’infini.

Et parce qu’elle est comédienne jusqu’au bout des silences, elle rêve aussi d’un rôle. Un rôle qui ne ment pas. Un rôle taillé dans l’os du réel, vibrant comme une corde sensible. Un rôle où chaque mot pèserait, chaque souffle compterait. Elle ne « joue » pas : elle incarne. Elle transfigure. Elle habite la faille, fait de la fragilité une force, de la pudeur une puissance.

Son art n’est pas un artifice : c’est une traversée intérieure. Elle ne cherche pas à briller, mais à révéler. Et cette lumière douce, presque invisible, c’est celle des lucioles dans la nuit des certitudes. Celle qui nous guide sans nous aveugler. Celle qui éclaire sans dominer.

Le film qu’elle rêve sera plus qu’un récit : ce sera un rituel de réconciliation avec le sensible. Un film qui parlera aux absents, aux blessés, aux âmes écartelées entre lucidité et espérance. Ce sera un baume. Un feu. Une main tendue vers ce que nous avons oublié d’aimer.

Et peut-être est-ce cela, son plus grand talent : rappeler à chacun qu’il est encore vivant. Qu’il existe un espace pour pleurer sans honte, pour aimer sans armure, pour regarder sans détour.

Dans un monde saturé de bruit et de poses, Véronique Perrault offre des silences habités. Dans un monde pressé de séduire, elle prend le temps d’être vraie. Dans un monde qui exige des slogans, elle offre des respirations.

Elle est, à sa manière, une résistante de l’âme. Une ouvrière du beau. Une passeuse de feu sacré.

Quand son film naîtra, ce ne sera pas seulement une œuvre de plus. Ce sera l’incarnation d’un souffle, la matérialisation d’une fidélité à la vérité intérieure.

Et nous serons là, nous aussi, spectateurs devenus compagnons de route, pour l’écouter, la suivre, et peut-être, grâce à elle, nous souvenir de qui nous sommes vraiment.

K. B.

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