Israël-Iran : Le Moyen-Orient va changer d’ère
C’est une guerre que l’on redoutait sans la croire imminente. Elle est désormais ouverte, brutale, et potentiellement décisive. Dans la nuit du 12 au 13 juin 2025, l’armée israélienne a lancé une campagne de frappes aériennes sans précédent contre les infrastructures militaires et nucléaires iraniennes. Une partie de l’élite militaire iranienne a été décapitée. Plusieurs hauts cadres de l’armée et des Gardiens de la Révolution ainsi qu’une dizaine de scientifiques nucléaires ont été éliminés. En 24 heures, plus de 500 raids ont visé une dizaine de sites sensibles, dont les installations d’enrichissement de Natanz, les centres de commandement de Tabriz, Qom, et même des quartiers de haute sécurité à Téhéran.
Par Mohamed Sifaoui
Publié le 15 juin 2025

L'Iran peut internationaliser le conflit, pousser le prix du pétrole au-delà de 150 dollars, provoquer des tensions internes dans les pays arabes alliés à Israël.
Cette guerre marque un tournant géopolitique. Car derrière les frappes, c’est une stratégie cohérente et implacable qui se déploie : pour les Israéliens, il s’agit d’empêcher, coûte que coûte, l’Iran de devenir une puissance nucléaire militaire, quitte à prendre le risque d’un embrasement régional.
Aujourd’hui, il faut bien comprendre les rapports de force sur le plan militaire, car aussi paradoxal que celui puisse paraître, si en apparence il y a un avantage indéniable, notamment sur le plan aérien, pour l’armée israélienne, il n’y a pas pour autant un déséquilibre flagrant étant donné que le régime iranien a longtemps investi dans la fabrication de missiles balistiques capables de causer des dégâts considérables dans l’État hébreu.
De son côté, longtemps perçu comme un « petit État encerclé », Israël est aujourd’hui une puissance militaire de rang quasi-stratégique. Son armée est non seulement l’une des plus professionnelles au monde, mais aussi l’une des plus technologiquement avancées. Le cœur de cette suprématie, nous le rappelons, repose sur la maîtrise de l’air. Avec ses F-35I, furtifs et capables d’opérer loin derrière les lignes ennemies, Israël peut frapper en profondeur sans être détecté. Ses munitions sont de haute précision, ses drones assurent une surveillance constante du théâtre d’opérations, et ses capacités cyber permettent de paralyser des réseaux ennemis en quelques minutes.
D’un autre côté, Israël dispose aussi d’une architecture défensive unique au monde : le Dôme de fer pour intercepter les roquettes de courte portée, la Fronde de David pour les missiles tactiques, et le système Arrow 3 pour contrer les missiles balistiques. Une triple couche défensive, testée et perfectionnée après des années de guerre contre le Hamas et le Hezbollah.
Mais le véritable levier, c’est le renseignement. La coordination entre le Mossad (extérieur), l’Aman (renseignement militaire) et le Shin Bet (intérieur) fournit une vision granulaire du terrain. Les opérations récentes montrent une capacité à identifier des cibles humaines de très haut niveau, à désorganiser les chaînes de commandement, et à frapper au moment le plus vulnérable.
S’agissant du régime iranien, l’on pourrait la qualifier de puissance usée, mais dangereuse. En effet, face à la machine de guerre israélienne, la République islamique semble sous-dimensionnée. Son armée régulière est en partie obsolète, sa flotte aérienne vieillissante, et ses chaînes de commandement, rigidifiées par une idéologie totalitaire et dictatoriale. Pourtant, cette armée reste redoutable à plusieurs titres.
Quelles sont ses forces ? D’abord, par ses missiles balistiques ayant des portées allant jusqu’à 2 000 km (Shahab-3, Ghadr, Sejjil), l’Iran peut frapper Tel-Aviv, Haïfa ou Eilat. Certes, leur précision est aléatoire, mais la saturation reste une arme psychologique et politique. C’est la raison pour laquelle le régime des mollahs mise sur la quantité des moyens employés et non pas sur la qualité des frappes réalisées. L’objectif étant de provoquer un maximum de dégâts, y compris au sein des populations civiles pour essayer de provoquer un électrochoc qui pourrait mettre à mal l’unité nationale et acculer le gouvernement Netanyahu, déjà largement contesté.
Ensuite, par ses drones armés et suicides, dont les modèles Shahed-136 ont fait leurs preuves en Ukraine. Leur coût réduit, leur production massive, et leur usage en meute créent un effet, là aussi, un effet de saturation difficile à neutraliser. Mais surtout, l’Iran est incontestablement le maître absolu des opérations asymétriques et de la guerre indirecte. Il ne faut pas écarter l’éventualité d’opérations clandestines de nature terroriste contre des intérêts israéliens, même en dehors du Moyen-Orient, donc y compris en Occident ou ailleurs.
Enfin, l’arme la plus redoutable est politique : l’Iran peut internationaliser le conflit, pousser le prix du pétrole au-delà de 150 dollars, provoquer des tensions internes dans les pays arabes alliés à Israël, et tenter de faire passer l’État hébreu pour l’agresseur, malgré l’évidence des faits. Aussi, le régime iranien pourrait viser des sites pétroliers des pays du Golfe, bloquer le détroit d’Ormouz ou, peu probable, viser des intérêts occidentaux dans la région pour élargir le conflit et amener la communauté internationale à exiger l’arrêt des hostilités pour éviter une crise économique mondiale.
Que faut-il retenir trois jours après le début de la guerre ? Ce conflit, il faut le souligner, n’est pas un simple épisode. C’est une rupture de paradigme. Il acte la fin des illusions sur une désescalade possible, la fin du containment diplomatique, et la fin d’un Moyen-Orient gelé par des menaces calculées. Il y aura incontestablement un avant et un après 13 juin 2025, comme il y aura un avant et un après 7 octobre 2023.
Quoi qu’en pensent les opinions publiques, Israël a décidé de frapper avant qu’il ne soit trop tard, car les mollahs ont choisi d’appliquer une politique de défi malgré la fragilité interne du régime. Le reste du monde observe, inquiet, en sachant que cette guerre-là ne pourra être contenue à deux acteurs. Elle redessinera les équilibres régionaux et testera les alliances. Mais une chose est déjà actée : le Moyen-Orient change d’époque.
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