Alexandre Jardin, mon ami le gueux
Il est des hommes dont la parole fend l’air comme un éclat de lumière dans l’ombre épaisse — Alexandre Jardin est de cette trempe rare. Tandis que les villes, hérissées d’interdits, referment leurs murailles invisibles sur les pauvres, tandis que le goudron des avenues se couvre du mépris des puissants, lui s’avance, les bras pleins d’amitié, les poches pleines d’histoires, et le cœur battant pour ceux qu’on oublie au bord des nationales.
Par Kamel Bencheikh
Publié le 4 mai 2025

Alexandre Jardin, funambule de l’intime, est devenu poète public.
Fils des vents indociles, Alexandre Jardin est un incendiaire de tendresse. Son écriture, on la reconnaît comme on reconnaît la voix d’un ami dans une foule. Il ne regarde pas les puissants, il regarde ceux qui plient l’échine sous les jours trop longs, ceux qui frottent leurs mains à l’aube avant de repartir en chantier, en livraison, en service, dans leurs vieilles bagnoles cabossées qui sentent la vie dure et les rêves tenaces.
La France officielle a dressé ses panneaux : interdit, circulez, payez ou disparaissez. Et sous les caméras à lecture de plaques, les pauvres deviennent des fantômes, assignés à résidence hors des murs de la cité. Mais Alexandre Jardin, avec son rire clair et ses mots de feu, refuse ce bannissement déguisé en écologie. Il crie avec la bouche des gueux, il chante avec les voix brisées. Il ne corrige pas les fautes, il épouse les blessures.
Son livre, Les #Gueux, ce n’est pas un manifeste, c’est un bras tendu dans la nuit, une main calleuse qui dit : « Tu n’es pas seul. »
Il a lancé Les #Gueux comme on jette un galet dans l’eau noire. Et des ronds ont dansé. Ils ont touché des mères qui courent après le temps, des vieux garés à la marge, des jeunes apprentis en scooter fatigué, des artisans en camionnette bringuebalante. Il a ramassé, à la pelle du verbe, les fiertés oubliées, les colères muettes, les vies de peu qui sont des trésors.
Ce n’est plus un écrivain, Alexandre Jardin, c’est un passeur. Il traverse les frontières de l’indifférence, il repeint les cartes, il rallume les réverbères sur les départementales. Son livre, Les #Gueux, ce n’est pas un manifeste, c’est un bras tendu dans la nuit, une main calleuse qui dit : « Tu n’es pas seul. »
Et le 17 mai à 14 heures, sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris, ce ne sera pas une foule anonyme : ce sera une marée d’existences, un cortège de visages que l’on voulait invisibles. Il faut que ce jour-là, ils soient des milliers, des dizaines de milliers, à remplir la place, à faire battre le pavé, à dire ensemble que sans eux, sans nous, la ville n’a plus d’âme. Que chacun vienne — avec son histoire, son indignation, son vieux moteur ou ses semelles trouées — pour écrire ce chapitre à mille voix.
À chaque mot, il sème de l’amitié comme on jette des graines de révolte. Il réveille la dignité où l’on croyait qu’il n’y avait plus que du silence.

Alexandre Jardin, funambule de l’intime, est devenu poète public. À chaque mot, il sème de l’amitié comme on jette des graines de révolte. Il réveille la dignité où l’on croyait qu’il n’y avait plus que du silence. Et moi, dans ce fracas magnifique qu’il fait naître, je suis là, témoin émerveillé, tellement fier d’être son ami, le cœur gonflé d’une amitié vraie, rare, indestructible. Grâce à lui, la France des garages, des cafés d’angle aux chaises dépareillées, des parkings en gravier, se lève et dit : « Nous sommes là. Nous tenons bon. Et le 17 mai à 14 h de Paris, sur le parvis de l’Hôtel de Ville, nous serons légion. »
Alexandre Jardin publie Les #Gueux aux éditions Michel Lafon.
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