Maître Franck Serfati à Rupture :
“L’action judiciaire est un devoir du citoyen victime d’une agression antisémite”
Maître Franck Serfati est avocat au barreau de Paris. En tant qu’avocat du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme, il a défendu plusieurs victimes d’antisémitisme. Il mène sans relâche un combat contre la haine et la violence, pour la défense des valeurs de la République.
Le cabinet Franck Serfati est cité dans plusieurs centaines de décisions de justice, principalement rendues par la Cour d’appel de Paris, le Tribunal de commerce de Paris et le Tribunal de commerce de Bobigny.
Par Franck Serfati
Publié le 24 octobre 2024
Rupture : Une personne subit une agression antisémite, que peut-elle faire sur le plan judiciaire ?
Maître Franck Serfati : En cas d’agression à caractère antisémite, plusieurs solutions sont envisageables pour la victime. Elle peut déposer une plainte simple dans un commissariat de police mais sans certitude d’une suite réelle et concrète, car les commissariats sont parfois submergés et ont tendance à refuser l’enregistrement de la plainte, attitude juridiquement anormale, la police et la gendarmerie n’ayant pas à juger de l’opportunité d’une plainte, pouvoir qui appartient au seul procureur de la République.
La victime d’une agression antisémite peut introduire une plainte directement auprès du procureur de la République, lorsque l’infraction présente un certain degré de gravité.
En cas de réticence, il vous appartient de “monter” dans la hiérarchie, en vous adressant au procureur. En tout état de cause, une simple main-courante n’induit pas de suite judiciaire et n’a donc pas de conséquence efficiente.
La victime d’une agression antisémite peut introduire une plainte directement auprès du procureur de la République, lorsque l’infraction présente un certain degré de gravité : injures récurrentes, troubles de voisinage, préjudice corporel ou moral, inscription ostentatoire au domicile. Cette plainte au procureur est adressée par lettre circonstanciée recommandée avec accusé de réception. Faire appel à un avocat est utile, mais pas obligatoire. Le tribunal compétent est celui du lieu de commission de l’infraction.
Il est possible aussi pour la victime, en cas d’infraction grave ou nécessitant une enquête particulière, de saisir le doyen des juges d’instruction, après avis de classement, près le tribunal compétent, en lui adressant une plainte avec constitution de partie civile et en rappelant les faits, la nature des infractions, les préjudices et le fondement légal. Cette action, soumise à versement d’une consignation, a l’avantage d’induire une enquête.
Sans passer par un commissariat de police ou le procureur de la République, la victime peut prendre l’initiative de saisir directement la juridiction de jugement, le tribunal correctionnel, sans enquête préalable, option qui déplait au juge et implique un dossier parfaitement ficelé et l’assistance d’un avocat.
Même si son aboutissement est incertain, l’action judiciaire est un devoir du citoyen victime d’une agression antisémite et a pour le moins le mérite d’alerter sensiblement les autorités.
Pouvez-vous donner quelques exemples d’actions en justice à la suite des propos et des actes antisémites ?
Une blogueuse, qui avait ironisé sur “un bébé dans un four”, a été condamnée à 10 mois d’emprisonnement avec sursis.
Après des publications d’un hadith appelant à “tuer des Juifs”, l’imam de Beaucaire, dans le Gard, a été condamné en appel à la peine de 12 mois de prison et une interdiction d’exercer la fonction d’imam.
Un conseiller municipal du Doubs, Ismaël Boudjekada, qui avait estimé sur les réseaux sociaux que le “Hamas est un mouvement de résistance” a été condamné, le 20 juin 2024, à une peine d’inégibilité et une amende de 20 000 euros.
Des plaintes ont été déposées pour incitation à la haine et apologie du terrorisme contre les partis NPA et LFI.
Poursuivi pour apologie du terrorisme, après des publications d’un hadith appelant à “tuer des Juifs”, l’imam de Beaucaire, dans le Gard, a été condamné en appel à la peine de 12 mois de prison et une interdiction d’exercer la fonction d’imam.
Une dame âgée de 88 ans, a été victime, le 24 juin 2024, à Saint-Brice-Sous-Forêt, dans le Val d’Oise, d’un vol avec violence aggravée, d’insultes antisémites, sauvagement frappée au visage par deux individus ; elle est défendue par un avocat du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme.
L’antisémitisme s’est littéralement banalisé, sous toutes ses formes, suivant toutes catégories de délits et crimes, à toutes les strates de la société française.
Où situez-vous la principale origine de la recrudescence de l’antisémitisme en France ?
Après la deuxième Intifada, en 2002, les violences anti-juives sont passées d’une quarantaine par an, répertoriées par le ministère de l’Intérieur, à plus de mille. Et depuis le pogrome du 7-Octobre en Israël, l’antisémitisme s’est littéralement banalisé, sous toutes ses formes, suivant toutes catégories de délits et crimes, à toutes les strates de la société française, y compris au sein même d’officines politiques qui l’instrumentalisent comme cheval de bataille.
Cette situation intolérable tombe sous le coup de la loi pénale. La République implique le respect de chacun, quelle que soit son appartenance religieuse, culturelle ou ethnique.
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