Fadila Maaroufi à Rupture :

“Bruxelles est charia compatible”

Fadila Maaroufi est anthropologue et militante laïque belgo-marocaine. De 2000 à 2014, elle a été travailleuse sociale dans des quartiers défavorisés de Bruxelles. Depuis 2015, elle présente des séminaires et des colloques sur le thème de la radicalisation visant un public de professionnels. Elle fait partie de la commission de surveillance de la prison de Nivelles, en Belgique. En 2020, elle est cofondatrice et directrice de l’Observatoire des Fondamentalismes à Bruxelles; en 2022, elle est cofondatrice du Café Laïque Bruxelles; elle reçoit, la même année, le Prix féministe Anne-Marie Lizin Théroigne de Méricourt 2022; et, cette année, elle est la lauréate du Prix de la Laïcité 2024 du Comité Laïcité République.

Par Une Interview réalisée par Karim Maloum

Publié le 17 novembre 2024

“Bruxelles est charia compatible”

Fadila Maaroufi est directrice de l'Observatoire des Fondamentalismes à Bruxelles.

Rupture : ⁠Le 7 novembre, vous avez reçu le Prix de la Laïcité 2024 du Comité Laïcité République. Que ressentez-vous d’avoir obtenu cette reconnaissance pour votre combat ?

Fadila Maaroufi : C’est un honneur de recevoir une récompense pour le travail qu’on mène et cela montre aussi aux gens qui sont dans le même combat que nous devons continuer. Ce combat, je ne le mène pas seule; des gens, des citoyens me soutiennent et m’encouragent. Il est mené pour que les générations futures puissent jouir des libertés de conscience et d’expression.

La Belgique a délocalisé en Hongrie le match de son équipe contre l’équipe israélienne, prévu en septembre à Bruxelles. Comment expliquez-vous cela, quelle lecture en faites-vous ?

Cela traduit la complaisance des partis politiques belges avec les terroristes islamistes et l’abandon de la Belgique des valeurs démocratiques. Cela envoie un message aux voyous qui dit que ceux qui terrorisent obtiennent ce qu’ils veulent. Et cela traduit aussi qu’au-delà de la lâcheté, il y a l’antisémitisme qui a pris une place importante.

“Les attentats, c’est ce qui est visible; mais le plus dangereux, c’est ce que nous n’avons pas vu : l’influence des Frères Musulmans, de l’élite d’intellectuels qui ont pénétré les universités, les partis politiques, les associations culturelles, les ONG, les médias…”

Êtes-vous d’accord avec ceux qui disent que la Belgique est gangrenée par l’islamisme? 

La Belgique a été gangrénée par l’islamisme et maintenant Bruxelles est charia compatible pour reprendre l’expression du Docteur Florence Bergeaud-Blackler. Je dis très souvent Bruxelles Califat et, depuis les élections de juin et d’octobre 2024, on peut vraiment le dire. Sachant qu’un parti politique islamiste, la Team Fouad, a atteint des scores allant jusqu’à 14,8%, ce qui est énorme pour un nouveau parti. Pour rappel, Fouad Ahidar, ancien militant de la Volksunie, a rejoint le SP (parti socialiste flamand). Quelques jours après le pogrom du 7 octobre, dans une interview, il estimait que c’était “une petite leçon donnée par le Hamas aux Israéliens”. En 2012, il a soutenu un jeune parti en Syrie rejoindre Daesh.

Pensez-vous que l’entrisme des islamistes menace toute l’Europe ?

L’entrisme islamiste menace le monde; tous les pays ont été touchés par des attentats. Les attentats, c’est ce qui est visible; mais le plus dangereux, c’est ce que nous n’avons pas vu : l’influence des Frères Musulmans, de l’élite d’intellectuels qui ont pénétré les universités, les partis politiques, les associations culturelles, les ONG, les médias… Ils remettent en question nos principes et nos démocraties, ils ont une force de pression assez importante; il faut dire qu’ils ont les moyens humains et financiers qui leur permettent d’avancer.

“Les médias sont, avec l’université, l’un des secteurs qui ont été les plus impactés par l’idéologie woke et islamiste.”

Pourquoi, selon vous, ⁠⁠les islamistes sont-ils si hostiles à la laïcité française ? 

Parce que la France résiste; c’est un pays avec une grande et longue histoire, très riche. La France a mené, dans le passé, un long combat contre l’église pour séparer l’État et la religion. Les Lumières, la Résistance… tout cela est encore gravé dans la conscience collective, d’où la volonté d’effacer l’histoire par des groupes idéologiques comme les décoloniaux et les indigénistes. Ils réécrivent l’histoire selon leurs ressentis et inventent de nouvelles narrations. Supprimer la mémoire, l’histoire, c’est comme couper les racines qui permettent à un arbre de tenir debout et de vivre.

D’après vous, pourquoi les intellectuels sont-ils absents de la lutte contre l’islamisme et l’antisémitisme en Europe ?

Tous les intellectuels ne sont pas absents; disons plutôt que les médias, qui sont en majorité de gauche voire d’extrême gauche, ne donnent pas la parole aux intellectuels qui ne pensent pas comme eux. Les médias sont, avec l’université, l’un des secteurs qui ont été le plus impactés par l’idéologie woke et islamiste. Et, dans ces médias, il y a des journalistes qui ont peur depuis l’attentat contre Charlie Hebdo. Nous allons d’ailleurs fêter les 10 ans de l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo le 15 janvier.

Comment expliquez-vous la recrudescence de l’antisémitisme ces dernières années ?
 
L’antisémitisme était déjà présent mais la parole s’est libérée depuis le 7 octobre 2023, car nous sommes à un moment propice pour que cela s’exprime avec cette gauche et extrême gauche complaisantes et antisémites. Il faut le dire et ne pas avoir peur de le dire, les partis de gauche se permettent de tenir des propos qui devraient être sanctionnés, selon moi.

J’ai reçu plusieurs menaces de mort, je n’ai reçu aucune protection policière, aucun soutien, ni des institutions dites laïques belges ni de personnalités politiques.”

Quels moyens, quels outils, quel type d’organisation voyez-vous pour lutter efficacement contre l’islamisme ?

Il faut agir sur différents plans : adopter une loi qui interdit le voilement des mineures; interdire le port du keffieh, notamment à l’université; interdire les manifestations pro-Hamas; interdire les “conférences” d’idéologues qui propagent leur propagande dans les universités; former les acteurs dans les différents secteurs de la société sur l’islamisme et surtout donner les moyens adéquats aux services de renseignement et de la police pour intervenir de manière efficace; former les magistrats et les juges; cesser d’accueillir des personnes qui viennent de pays radicalisés et où la violence est considérée comme normale, tels que l’Afghanistan, la Palestine…

Vous aviez déjà fait l’objet de menaces de mort par le passé en raison de votre combat contre l’islamisme. Depuis votre dernière distinction, vous avez reçu de nouvelles menaces de mort et vous avez déposé des plaintes en Belgique. Bénéficiez-vous d’une protection policière ?

En 2020, j’ai perdu mon travail, donc ma source de revenus, et je ne peux plus trouver de travail en Belgique. J’ai reçu plusieurs menaces de mort mais je n’ai aucune protection policière, aucun soutien, ni des institutions dites laïques belges ni de personnalités politiques. Deux journaux belges en ont parlé, PAN, un journal satirique, et Doorbrak, un journal flamand. Les pseudo féministes ont piscine. La Belgique est un petit pays où un groupe de gens se coptent entre eux, surtout dans le réseau bruxellois; mais, à force de compromissions, à force de fermer les yeux, notre pays a changé et il est devenu un califat. Les islamistes remercient la Belgique.

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