Elle a vécu une dizaine d'années en Arabie Saoudite
Une anti-islamiste nommée Ben Laden
C’est une histoire familiale, celle des Ben Laden, d’Oussama Ben Laden; c’est une histoire mondiale; c’est une histoire racontée il y a vingt ans, toujours en cours…
Par Cherif Berkache
Publié le 4 octobre 2024
Carmen Ben Laden a été la belle-sœur d’Oussama Ben Laden, épouse de son frère Yeslam qu’elle a rencontré au début des années 70 à Genève où elle vivait avec sa mère. Elle est née en 1954 à Lausanne, de père Suisse et de mère Iranienne. Elle a vécu une dizaine d’années en Arabie Saoudite. Une tranche de sa vie qui a été l’objet d’un livre qui l’a fait connaitre et intitulé Inside the Kingdom : My Life in Saudi Arabia, publié en 2004 et paru en France sous le titre : Le voile déchiré. Invité dans l’émission Tout le monde en parle de Thierry Ardisson, sur France 2, le 24 janvier 2004, Carmen Ben Laden raconte sa vie en Arabie Saoudite. Elle explique comment son mari l’a avertie, lui disant que dans son pays “il n’y avait rien, pas de théâtres, pas de librairies, pas de cinémas, pas de restaurants”, comment elle a découvert la vie des femmes qui ne devaient pas être vues par des étrangers à la famille, citant l’exemple de sa belle-mère dont le chauffeur, “qui l’emmenait d’une maison à l’autre” ne voyait jamais le visage.
“Des membres de la famille royale sont tout à fait d’accord avec Oussama”
A une question de Thierry Ardisson quant à la possibilité qu’Oussama Ben Laden continue d’être soutenu financièrement par sa famille, Carmen Ben Laden répond : “Je pense qu’il y a énormément de gens en Arabie Saoudite qui soutiennent toutes les causes islamistes. Je ne suis pas en train de dire que si Oussama ou quelqu’un comme Oussama vient dire j’ai besoin d’argent pour faire sauter une ambassade on va lui donner de l’argent ; mais s’il vient et dit je vais faire trois ou quatre madrassas ou trois ou quatre mosquées ici ou là, on va lui donner, on ne va pas hésiter à lui donner.” Elle poursuit en affirmant que son mari lui avait confié que son frère Oussama était très proche du prince Abdallah (qui allait devenir roi et qui était encore prince héritier au moment de l’émission, en janvier 2004), précisant : “Je ne dis pas que toute la famille royale le soutient mais je pense qu’il y a des membres de la famille royale qui sont tout à fait d’accord avec Oussama.”
L’angoisse, le réveil
Comment est-elle sortie de cette histoire ? Elle partagea une anecdote, un événement qu’elle qualifia de «premier wake up call», le réveil, l’alarme qui n’allait plus jamais la quitter et que “c’est à partir de ce moment-là” qu’elle a “commencé à observer tous les petits détails de l’Arabie Saoudite, tout ce qui se passait pour essayer d’analyser et de comprendre”. Un jour, elle voyait la femme d’Oussama Ben Laden qui donnait à boire à son enfant à la petite cuillère ; elle lui a tendu un biberon qui n’allait pas être accepté ; elle a alors voulu rassurer en disant que le biberon était stérilisé et elle a reçu cette réponse : “Oussama refuse…” Carmen interpelle sa belle-mère en vain, puis son mari Yeslam pour qu’il aille voir avec son frère (qui n’était pas dans la pièce où se déroulait les faits contés) parce que son fils risque de se déshydrater ; peu après, Yeslam revient en disant : “Il refuse catégoriquement.” “Cet incident m’a marqué… cet incident m’a marqué”, répète Carmen. Elle venait de réaliser, pour la première fois, qu’elle était “le poids de la parole d’un homme” même en son absence et combien les femmes étaient “impuissantes”, comme cela a été le cas, lors de l’incident du biberon, pour sa belle-sœur, pour sa belle-mère et pour elle. En partant, dans la voiture, elle fut gagnée par « une angoisse » profonde en se disant que si un malheur arrivait à son mari, un de ses frères deviendrait le tuteur de leurs filles. Dans son livre, Carmen Ben Laden exprime une angoisse qui va bien au-delà du cadre personnel, du cadre familial, parental, en écrivant : “J’ai vécu au sein du clan Ben Laden, je connais la société saoudienne et j’ai peur pour l’avenir de l’humanité.”
Il y a “un islam modéré”
Quand Thierry Ardisson lui demande si elle croit “en l’islam modéré”, Carmen Ben Laden fait remarquer qu’en 1974, lorsqu’elle est allée an Arabie Saoudite, c’était le seul pays où était appliqué la charia et que des années plus tard de plus en plus de pays sont touchés, ce qui l’effraie, mais que malgré tout elle croyait qu’il y a “un islam modéré”, parque que, sinon, “ce serait terrible !” Concernant l’affaire du voile à l’école en France (nous sommes en janvier 2004 et loi sur les signes religieux ostentatoires allait être votée en mars de la même année), elle ne comprend pas qu’on puisse accepter le voile “ici”, faisant un parallèle avec la situation en Arabie Saoudite où vivent de nombreux étrangers, notamment des Philippins, de religion catholique et où “il n’y a pas une seule église pour eux !” Elle ne comprend pas non plus “ces femmes qui descendent dans la rue et qui revendiquent le port du voile dans une société laïque !” Elle termine son propos avec une mise en garde : “On doit être vigilants pour qu’ils n’utilisent pas notre indulgence pour imposer leur intolérance !”
Choquée que des États occidentaux fassent des lois spécialement pour les musulmans
Quelques années plus tard, dans une interview donnée au site d’information français Atlantico publiée le 11 septembre 2011, Carmen Ben Laden revient sur la question de la charia qui lui tient à cœur : “La loi en Arabie Saoudite c’est la loi de la charia. Les choses évoluent lentement, la jeunesse dispose d’Internet, mais je ne crois pas que cette loi va changer pour autant. Je comprends que les Saoudiens veuillent la conserver, mais quand ils veulent l’exporter, cela me dérange. Je suis choquée quand des pays occidentaux comme le Canada font des lois spécialement pour les musulmans.”
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