Liberté pour Boualem Sansal
Face à l'atteinte brutale à la liberté d'expression avec la condamnation de Boualem Sansal, en France, dans le pays de Jaurès, Hugo et de Voltaire, une association, La Libre Pensée, s'en prend à l'écrivain franco-algérien : « Toute critique n’est pas justice. Toute colère n’est pas courage. Et toute franchise n’est pas loyauté. » La révolte chez Camus n’est pas synonyme de révolution, mais le signe qu’il faut s’insurger contre les injustices dans le temps présent et non en fonction d’un futur fantasmé. La révolte reste indispensable pour conquérir la liberté. Nous devons tous nous révolter contre l'arrestation de l'homme de liberté.
Par Karim Maloum
Publié le 10 avril 2025

Cinq ans de prison. Cinq années volées à un homme de 80 ans, dont le seul crime a été d’aimer la liberté plus que le silence.
La condamnation de Boualem Sansal à cinq ans de prison en Algérie a provoqué l’indignation en France. Des élus français de tous bords de l’échiquier politique ont dénoncé la décision sur les réseaux sociaux, dont le président Emmanuel Macron. Ce n’est pas le cas d’une association dénommée Fédération nationale La Libre Pensée. Albert Camus croyait que la véritable liberté ne pouvait être atteinte qu’en acceptant l’absurdité du monde et en créant son propre sens à la vie. Il soutenait que chacun devait être prêt à accepter les incertitudes et les défis de la vie pour atteindre la véritable liberté…
« Monsieur Sansal, vous qui n’avez pas le talent du grand Kateb Yacine (écrivain algérien défenseur de l’universalisme, ndlr), il ne s’agit pas ici de vous interdire de critiquer. L’Algérie, comme toute nation vivante, doit être interrogée, secouée et, pourquoi pas parfois même dénoncée », écrit pour l’association l’historien et anthropologue Ali Farid Belkadi. Avant d’ajouter : « Mais toute critique n’est pas justice. Toute colère n’est pas courage. Et toute franchise n’est pas loyauté ».
Cette association indigne s’attaque à un homme de liberté, pour soutenir une dictature. Ce n’est pas la première fois que les adversaires des Lumières se sont attaqués à ce géant de la littérature.
Une Lettre "ouverte "à un homme de 80 ans enfermé arbitrairement … Le texte indigne de la " Libre Pensée" interpellant #BoualemSansal @CSoutienBS. La tragédie vécue par notre ami en dit long sur les misères morales de notre temps ! pic.twitter.com/4lbngwrHNf
— Benedetti arnaud (@Benedetti65) April 9, 2025
Cette association ne connait rien de l’Algérie, ni de son histoire ni de ses espérances. Elle passe sa vision totalitaire avant celle de la liberté. « Vous prêtez votre voix à ceux qui, depuis des décennies, veulent nous convaincre que le peuple algérien ne mérite ni son sol, ni son drapeau, ni sa liberté. Que l’Algérie était presque un désert sans nom. Qu’elle n’est qu’une simple création française », poursuit l’auteur. « Ce qui blesse dans vos propos, ce n’est pas la sévérité, c’est l’absence d’estime, l’absence d’espoir, l’absence de pudeur et l’absence de nuance […] Votre parole, bien souvent, semble ne plus parler de nous, mais seulement de l’idée que vous vous faites de nous », peut-on encore lire dans le texte publié par La Libre Pensée.
Beaucoup d’observateurs ont cru que l’Algérie céderait à la pression venue des démocrates du monde entier. L’autocrate Tebboune est dans ses calculs. Il ne cède pas, son pouvoir est basé sur la rente mémorielle qui ne craint ni la France, ni l’Europe qui refusent de le reconnaître comme un dictateur. Il peut aussi compter en France sur la cinquième colonne qui le soutient.
Rappelons-le : Boualem Sansal croupit dans les geôles du pouvoir algérien pour le simple crime d’avoir eu l’audace d’exprimer une opinion. Le régime de Tebboune, plus prompt à organiser des procès kafkaïens qu’à respecter son peuple, n’a jamais vraiment goûté la voix libre de Sansal. Il l’a donc fait taire. Il ne s’agissait pas d’être d’accord ou pas avec lui, il est question de comprendre qu’un pays qui doit fonctionner normalement peut avoir ses intellectuels, ses rêveurs, ses polémistes, ses provocateurs, ses penseurs, ses contre-pouvoirs, ses satiristes, ses empêcheurs de penser en carré, bref, ceux qui font vivre une société civile. Le problème, c’est que ce régime ne veut pas d’une société civile, ni même d’un peuple. Il veut d’un troupeau.
Accusé d’“atteinte à l’unité nationale” par la justice algérienne, Boualem Sansal a été condamné, jeudi 27 mars, à cinq ans de prison par un tribunal d’Alger. Boualem Sansal est poursuivi notamment pour « atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, actes susceptibles de nuire à l’économie nationale et détention de vidéos susceptibles de porter atteinte à la sécurité du pays ».
Après son arrestation le 16 novembre à son arrivée à Alger, l’écrivain franco-algérien a été placé sous mandat de dépôt, le 26 novembre, en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien qui réprime les atteintes à la sûreté de l’État, par le tribunal de Dar El-Beïda, à une quinzaine de kilomètres du centre d’Alger.
La révolte chez Camus n’est pas synonyme de révolution, mais le signe qu’il faut s’insurger contre les injustices dans le temps présent et non en fonction d’un futur fantasmé. La révolte reste indispensable pour conquérir la liberté. Nous devons tous nous révolter contre l’arrestation de l’homme de liberté.
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