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La pantalonnade Barrot à Alger : quand Paris s’humilie et Alger ricane

C’était censé être une relance. Une main tendue. Une visite pour "réchauffer" une relation que le régime algérien a méthodiquement refroidie. C’est devenu une farce, une mascarade diplomatique dont la France sort humiliée, piétinée, et ridiculisée par un pouvoir algérien qui ne craint plus d’afficher son mépris. D’abord, reçu par un sous-fifre de troisième catégorie, Jean-Noël Barrot n’a eu droit, en descendant de l’avion, ni à la présence de son homologue comme l’exige l’élégance protocolaire ni même à celle du Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, même pas celle du Directeur Europe. Tous avaient mieux à faire ce dimanche matin. 

Par Mohamed Sifaoui

Publié le 7 avril 2025

La pantalonnade Barrot à Alger : quand Paris s’humilie et Alger ricane

Jean-Noël Barrot n’a eu droit, en descendant de l’avion, ni à la présence de son homologue comme l’exige l’élégance protocolaire ni même à celle du Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères.

Au sommet des attentes, bien sûr, la question lancinante des OQTF. Ces Algériens frappés d’une Obligation de Quitter le Territoire Français, que Paris tente en vain de renvoyer dans leur pays. Les autorités françaises espéraient avec une naïveté confondante obtenir enfin un geste clair d’Alger. Elles ont récolté des sourires hypocrites et des faux-semblants.

Comprenons bien la gravité du scandale. Alger se permet de choisir qui, parmi ses délinquants et ses islamistes, doit habiter en France. Ils prétendent, dans un cynisme absolu, que leur coopération consistera à décider du sort des clandestins algériens au cas par cas, foulant au pied les accords signés en 1994.

Car Alger, en stratège retors, a accepté, certes, de reprendre ses ressortissants, mais en imposant sa propre règle du jeu. Une seule méthode : le laissez-passer consulaire, sésame sans lequel rien ne sera possible. Une astuce diabolique pour transformer chaque expulsion en parcours d’obstacles kafkaïen. Les Algériens ont refusé catégoriquement de travailler sur les listes transmises par Paris. Ils veulent passer par le tamis étroit de leurs consulats, contrôler chaque dossier, décider souverainement qui pourra rentrer au pays et, surtout, qui devra rester sur le sol français malgré une décision d’expulsion.

Comprenons bien la gravité du scandale. Alger se permet de choisir qui, parmi ses délinquants et ses islamistes, doit habiter en France. Ils prétendent, dans un cynisme absolu, que leur coopération consistera à décider du sort des clandestins algériens au cas par cas, foulant au pied les accords signés en 1994. Car ces accords, très clairs, précisent que la France peut expulser un ressortissant algérien dès lors que son identité est dûment établie. Et aujourd’hui, des dizaines d’Algériens expulsables sont titulaires d’un passeport biométrique : leur identité est donc incontestable.

Et que dire de l’affaire Boualem Sansal, sinon qu’elle est la parfaite illustration de ce naufrage diplomatique. L’écrivain binational, désormais symbole de la liberté d’expression, est en prison depuis le 16 novembre 2024 pour le crime de penser librement.

La manipulation est grossière mais terriblement efficace. Air Algérie, sur ordre du palais présidentiel, refuse d’embarquer tout expulsé sans laissez-passer même lorsqu’il dispose d’un passeport. Et lorsque par miracle un expulsé atterrit sur le tarmac d’Alger avec une autre compagnie, les autorités locales – ô surprise – refusent de le reconnaître comme l’un des leurs et lui ferment la porte du territoire. La farce est totale. Souvenez-vous de cet influenceur, renvoyé par la France et honteusement refoulé par Alger. 

Abdelmadjid Tebboune, en vrai maître des horloges, s’octroie donc le droit de trier. C’est une insulte manifeste à la souveraineté nationale française. Un comble que cela vienne d’un régime qui, à chaque bout de phrase, aime rappeler combien il faut respecter sa souveraineté. Mais pire encore, c’est un pied-de-nez aux principes élémentaires du droit international.

Et que dire de l’affaire Boualem Sansal, sinon qu’elle est la parfaite illustration de ce naufrage diplomatique. L’écrivain binational, désormais symbole de la liberté d’expression, est en prison depuis le 16 novembre 2024 pour le crime de penser librement. Condamné à cinq années de détention lors d’une mascarade judiciaire le 27 mars 2025, il croupit dans les geôles du régime algérien, sous le regard impuissant d’une France quasi muette. Barrot n’a pas parlé de ce cas, il a eu une pensée pour son compatriote. Une pensée. Comme celle qu’on accorde diplomatiquement à une personne décédée que l’on connait à peine ?

L’Algérie le garde en otage politique, véritable monnaie d’échange dans ses tractations avec Paris. Et quelle fut la réponse du pouvoir algérien lors de la visite de Jean-Noël Barrot ? Le mépris glacial. L’arrogance muette. Pas un mot, pas une ouverture, rien que le silence d’un régime qui sait parfaitement que la France, engluée dans ses lâchetés diplomatiques, n’osera pas hausser le ton. Sur ce cas précis, la France ne peut pas avoir plusieurs lignes et plusieurs discours : d’une part celle courageuse de Bruno Retailleau et de Manuel Valls et de l’autre celle « diplomatique » d’Emmanuel Macron et, par prolongement, celle de Jean-Noël Barrot. Les Algériens connaissent parfaitement ces nuances, autant d’interstices et s’y engouffrent pour essayer de créer la discorde au sein même de l’exécutif français. 

Aujourd’hui, il y a ceux qui, par calcul ou par aveuglement, continueront de faire croire à une normalisation possible des relations avec Alger. Qu’ils se taisent, car ils déshonorent la République. Cela fait trop longtemps que la France avale des couleuvres algériennes, trop longtemps qu’elle subit les caprices de ce régime dont la morgue est à la hauteur de sa décadence. Et il y a ceux qui parlent – quitte à paraître excessifs dans ce ballet d’hypocrisie – pour rappeler une réalité. Je préfère la seconde position à une posture qui ne sert ni les intérêts de la France ni ceux du peuple algérien, mais seulement ceux d’un pouvoir retors. 

Il est grand temps que la France sorte de cette torpeur suicidaire. Il est urgent que Paris abandonne ses illusions sur une hypothétique bonne volonté algérienne et embrasse enfin la seule posture digne d’une nation souveraine : la fermeté.

La vérité est ailleurs. Elle est brutale, mais nécessaire : l’Algérie est représentée par un régime revanchard, manipulateur, menteur, qui rêve d’exporter ses problèmes jusqu’à Paris. En attisant les tensions au sein du gouvernement français, en cherchant à opposer Emmanuel Macron à son ministre de l’Intérieur, le pouvoir algérien poursuit un seul objectif : affaiblir la France, l’humilier, et continuer à traiter l’ancienne puissance coloniale comme un paillasson.

Le piège est redoutable car il est subtil. Alger avance masquée, sourit aux caméras tout en poignardant ses partenaires dans le dos. Surtout ce partenaire, car l’Algérie n’agit jamais de la sorte quand elle a chez elle le représentant des Etats-Unis, celui de la Russie ou de la Chine, voire d’une autre puissance occidentale. La France, paralysée par ses faiblesses internes et ses culpabilités historiques, donne le spectacle pitoyable d’une puissance qui subit les événements au lieu de les maîtriser.

Il est grand temps que la France sorte de cette torpeur suicidaire. Il est urgent que Paris abandonne ses illusions sur une hypothétique bonne volonté algérienne et embrasse enfin la seule posture digne d’une nation souveraine : la fermeté. Cessons de redouter les éclats d’Alger, balayons cette rente mémorielle que le régime instrumentalise jusqu’à la corde, et traitons ce pouvoir pour ce qu’il est : un régime cynique, brutal, sans scrupule, uniquement préoccupé par sa survie. La France n’a plus le droit de courber l’échine. Encore moins d’entretenir une relation malsaine avec une dictature. 

M. S.

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