Hezbollah : le silence de la milice libanaise face au conflit israélo-iranien

Le déclenchement d’une guerre ouverte entre Israël et l’Iran aurait, dans une configuration antérieure, provoqué une réaction immédiate et musclée du Hezbollah, proxy historique de la République islamique. Pourtant, la relative atonie de la formation chiite libanaise, réduite à des déclarations prudentes et à des escarmouches sporadiques à la frontière sud du pays, trahit une situation de vulnérabilité stratégique sans précédent. Loin de l’image de fer de lance de l’« axe de la résistance » qu’elle cultive depuis des décennies, la milice semble aujourd’hui tétanisée, incapable de porter secours à son parrain iranien. Cette aphone militaire soulève plusieurs hypothèses, que l’analyse de ses conditions internes et de ses rapports régionaux permet d’éclairer.

Par Mohamed Sifaoui

Publié le 14 juin 2025

Hezbollah : le silence de la milice libanaise face au conflit israélo-iranien

Naïm Qassem, le nouveau chef du Hezbollah.

Le Hezbollah traverse, depuis le cessez-le-feu, acté avec Israël en décembre 2024, une crise multidimensionnelle. Politiquement, l’organisation est fortement critiquée pour son rôle dans la paralysie institutionnelle et la crise économique. Sociologiquement, sa base populaire chiite, bien que fidèle, est elle-même durement affectée par l’effondrement monétaire et les sanctions internationales. Militairement, les pertes cumulées au Liban et en Syrie ont érodé une partie de ses capacités offensives.

Le Hezbollah, pour devenir un État dans l’État, était passé d’un acteur purement militaire à une force institutionnelle et communautaire intégrée dans l’État libanais, mais également tiraillée par cette double nature. Cette inscription locale, jadis source de légitimité, devient aujourd’hui un facteur de contraintes. La milice ne peut plus se permettre d’engager, à vrai dire, une guerre totale contre Israël sans risquer un effondrement intérieur.

Conscient des liens organiques entre le Hezbollah et l’Iran, Israël a, depuis 2013, adopté une stratégie préventive connue sous le nom de « guerre entre les guerres », ciblant les transferts d’armes stratégiques entre l’Iran, la Syrie et le Liban. Cette stratégie a fortement limité la marge de manœuvre du Hezbollah, contraint à une posture plus défensive qu’initiative. Le renforcement technologique de Tsahal, notamment en matière de renseignement et de capacités de frappe chirurgicale, a modifié l’équilibre de la dissuasion, autrefois basé sur la peur de représailles réciproques.

Par conséquent, même s’il essaye de reconstruire son potentiel opérationnel, le Hezbollah n’est plus aujourd’hui le seul bras armé de l’Iran. En Irak et au Yémen, Téhéran dispose de milices supplétives parfois plus actives que le Hezbollah. Ce dernier, jadis vitrine du succès de la doctrine de la « résistance islamique », devient une pièce parmi d’autres dans le puzzle militaire iranien. Son rôle se provincialise au moment où la stratégie iranienne se globalise. Cela étant dit, avant d’attaquer frontalement l’Iran, la stratégie israélienne a fait preuve d’une grande finesse, au lendemain du 7 octobre, puisque méthodiquement, les uns après les autres, tous les supplétifs des mollahs iraniens ont été démantelés ou considérablement affaiblis, à Gaza, au Yémen, en Irak, en Syrie et au Liban. C’est dire que désormais le face à face israélo-iranien est largement en faveur de l’État hébreu, car outre le fait que le régime iranien ne peut compter que sur ses propres forces, Israël s’appuie sur le soutien, parfois discret, de pays arabes, mais aussi de toutes les principales puissances occidentales.

D’un autre côté, bien que puissant idéologiquement, le régime iranien reste marginal dans les logiques de production et de projection militaire islamiste au niveau global comparé au wahhabisme saoudien ou au frérisme égyptien. Outre les milices déjà citées, les mollahs n’ont rien d’autre de significatif. 

Le silence actuel du Hezbollah face au conflit israélo-iranien n’est pas seulement un symptôme d’affaiblissement : il est révélateur d’un repositionnement contraint. L’organisation, jadis pionnière de « l’axe de la résistance », semble désormais dépassée par les nouvelles réalités géopolitiques, militaires et sociales. Son avenir pourrait bien dépendre de sa capacité à réinventer un rôle régional crédible, dans un contexte où son efficacité militaire comme sa légitimité populaire sont remises en question.

Cela étant dit, une inconnue demeure. Aucun expert n’ignore que le régime iranien – avec l’aide du Hezbollah – reste le champion en matière de guerre asymétrique. C’est la raison pour laquelle, il serait hasardeux d’écarter l’éventualité de passages à l’actes clandestins, à travers des opérations terroristes, contre des cibles israéliennes, voire juives, partout à travers le monde. Ce n’est guère un hasard si toutes les ambassades d’Israël à travers le monde sont en alerte maximale et les diasporas appelées à la vigilance.

M. S.

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